Les tours sur la contrevallation de la plaine des Laumes

César, citation : Derrière ces fossés, il éleva une terrasse et un rempart de douze pieds ; il y ajouta un parapet et des créneaux, et fit élever de grosses pièces de bois fourchues à la jonction du parapet et du rempart, pour en rendre l'abord plus difficile aux ennemis. Tout l'ouvrage fut flanqué de tours, placées à quatre-vingts pieds l'une de l'autre. B.G., 7, 72.

Quatre-vingts pieds = 24 m, cette observation faite par César concerne la contrevallation de la plaine devant l'oppidum, il convient donc de s'en tenir à ce secteur.

Les relevés effectués après la découverte de trous de poteaux (1) établissent que les écarts entre chaque tour ne correspondent pas à ceux attendus. Pour autant, cette anomalie s'expliquerait aisément par la technique mise en œuvre autour d'Alise, en effet les travaux de siège, loin d'être exceptionnels ne seraient en réalité que le fruit d'une pratique pluriséculaire très répandue (2), César aurait alors décrit une situation générique. Sa description devrait donc s'adapter aux découvertes archéologiques contemporaines et non l'inverse, de cette manière, les discordances entre le texte et le terrain seraient anecdotiques : « S'il existe quelques écarts, au demeurant plus mineurs qu'on ne l'a dit, entre la source littéraire et le terrain, ce n'est ni, parce que César a délibérément falsifié la vérité, ni, évidemment, parce que le terrain ment (2)».

Système de défense sur la contrevallation de la plaine des Laumes. Crédit : Peter Connoly.

Mise en parallèle du texte et des fouilles :

Toutefois, à aucun moment, sur la contrevallation de la plaine des Laumes, n'ont été mis en évidence les intervalles de 24 m entre tours rapportés par César. Les distances entre chaque tour sont variables et vont de 12,50 m à 17,00 m, ces observations portent sur douze tours qui ont pu être identifiées (3).

Plan des fouilles sur la contrevallation de la plaine des Laumes. 2 à 4 trous de poteaux matérialisent l’emplacement des tours numérotées de 1 à 12. Crédit : Fouilles franco-allemandes (1991-1997).

De manière plus générale, autour d'Alise, il n'existe aucun rapport entre le texte et le terrain, chaque secteur présentant d'importantes variabilités. Aucune moyenne n’est possible, ni même constatée, les distances entre tours peuvent aller de 6 m (camp B) à 60 m (circonvallation, camp C). Comment dès lors parler de situation générique ? Cette notion n'est présente, ni à l'endroit décrit par César, ni ailleurs.

Crédit : Fouilles franco-allemandes (1991-1997), T. 1, p. 345.

César n’a pas falsifié, le terrain ne ment pas :

Ce sujet volontairement concis, ne pouvait faire l’objet de longs développements, en effet, Il existe une très nette différence entre ce qu'écrit Jules César, et les données recueillies sur le terrain. Cet écart au demeurant beaucoup plus important (4) que ne le laisse croire les conclusions de M. Reddé (5) sur le sujet, ne permet aucun rapprochement, même relatif, entre le texte et le terrain, et il n'y a aucune raison de croire que César ait travesti ce type de description assez précise (6). Les chiffres parlent d’eux-mêmes, il n’existe strictement aucun rapport entre les tours du siège d’Alésia et celles de la plaine des Laumes.

NOTES ET REFERENCES :

1) M. Reddé, Alésia. L'archéologie face à l'imaginaire, Paris, 2003, p. 173.

2) M. Reddé, Bilan d'une recherche, in : M. Reddé, S. von Schnurbein (dir.) et alii, Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont Auxois (1991-1997), Mémoire de l'académie des inscriptions, vol. 1, Paris, 2001, 557-562, p. 562.

3) S. von Schnurbein, La contrevallation, in : M. Reddé, S. von Schnurbein (dir.) et alii, op. cit., 311-349, p. 345.

4) Rappel : sur la contrevallation de la plaine des Laumes, l'écart est parfois de l'ordre du double, 12,50 m sur le terrain, 24 m dans le texte.

5) Auteur de référence sur le sujet, la plupart des ouvrages postérieurs au rapport de fouille et à « L'archéologie face à l'imaginaire » (cf. note 1), s'en inspirent directement.

6) « Est-ce à dire, pour autant, que César dans les « commentaires » déforme la réalité, en se conformant à un modèle littéraire ? Certes non... ». M. Reddé, op. cit., p. 63.