César, citation : César arrêta son plan de fortification comme il suit. Il fit creuser un fossé large de vingt pieds, dont les côtés étaient à pic et la profondeur égale à la largeur. Tout le reste des retranchements fut établi à quatre cents pieds en arrière de ce fossé ; il voulait par là (car on avait été obligé d'embrasser un si grand espace, que nos soldats n'auraient pu aisément en garnir tous les points) prévenir les attaques subites ou les irruptions nocturnes, et garantir durant le jour nos travailleurs des traits de l'ennemi. B.G. 7, 72.
Ce fossé, de loin le plus important (1) de tous ceux creusés par les légionnaires de César autour d'Alésia, aurait été retrouvé au XIXème siècle (2), seul problème, ce fossé n'est pas situé à 400 pieds, soit 120 mètres des premiers travaux de siège romains, mais de 300 à 900 mètres, ce que J. Le Gall avait en son temps résolu, en traduisant « pedes » par « passus » (3)(4)(5). Puis, précurseur de l'essor de l'archéologie aérienne française à partir des années 60, l'aviateur R. Goguey aurait fini par repérer, en 1988, un fossé comblé plus large que les autres (6), enfin, un sondage aurait permis de corroborer l'existence de ce fossé au lieu-dit « sur les fins » entre la route de Venarey à Alise et la route de Pouillenay à Alise (7).
Malgré la taille du fossé, une recherche compliquée :
Les photographies aériennes :
Nous connaissons l'emplacement de ce fossé (8) par les divers plans qui nous sont parvenus et par les balisages des hommes de Napoléon III. Et pourtant depuis cette époque, tous les efforts effectués pour en retrouver la trace s'avèrent négatifs ou au mieux incertains, ce qui pourrait surprendre car le site d'Alise est pour l'archéologie aérienne un cas d'école particulier (9). Avec 4000 clichés étalés sur une quarantaine d'années (10) Alise est sans doute le site le plus longuement étudié par la photographie aérienne (11), les détections de structures archéologiques comme les fossés y ont été régulières et fructueuses (12). Et R. Goguey, principal instigateur de ce type de recherche, signale que les découvertes ont été nombreuses dans la plaine des Laumes et la vallée de l'Ozerain (13), et ce, dès 1962 où il visualise dans un champ de blé, trois fossés parallèles. Malgré tout, vu du ciel, le plus grand fossé du site reste toujours insaisissable.
Les résultats des dernières fouilles :
En 1988 (cf. note 6, les observations de R. Goguey la même année), E. Rabeisen effectue une intervention sur les Fins, parcelle 18 (14), le fossé retrouvé fait 1,22 m. de large pour 0,70 m. de profondeur et ne correspond donc ni de près, ni de loin aux relevés du XIXème siècle et encore moins à la description césarienne. Lors des dernières fouilles un sondage est donc de nouveau programmé sur le même secteur, le résultat est une nouvelle fois décevant (15).
Le grand fossé est introuvable :
En l'état actuel des recherches, à l'inverse des autres fossés de la plaine des Laumes pourtant moins importants, le plus grand fossé des retranchements romains devant l'oppidum n'a pu être repéré en 40 ans de recherches aériennes intensives. Il n'a pas été non plus retrouvé par les fouilleurs modernes à l'endroit le plus plausible. Son existence n'est toujours pas démontrée, alors même que son caractère stratégique et sa taille en font un élément archéologique incontournable (16).
NOTES ET REFERENCES :
1) 6 mètres de large (5,90 mètres exactement)
2) D'après J. Carcopino, le fossé retrouvé aurait fait 5,40 m à l'ouverture (évasée), 2,50 m de prof. et 3,60 m de large entre chaque paroi latérale (NB : Carcopino n’a retenu que les mesures les plus importantes, les autres portions présentaient des valeurs plus faibles : de 4,6 à 5,40 m d'ouverture). Il se situerait « sur l'Oze à 350 mètres du pont de chemin de fer et, sur l'Ozerain, au moulin de Bèze; et il continue vers l'Est, entre l'oppidum et le mont Pennevelle. ». J. Carcopino, Alésia et les ruses de César, 1958, p.60.
3) « Les fouilleurs qui avaient identifié la contrevallation dans la plaine des Laumes dès le printemps 1861, cherchèrent vainement ce fossé en avant à ces deux distances. » J. Le Gall, La bataille d'Alésia, Publications de la Sorbonne, Paris, 2000, p. 64.
4) « César commença par faire creuser le gigantesque fossé à parois verticales large de vingt pieds (6 mètres), que les fouilleurs de Napoléon II ont eu tant de mal à retrouver, puis il traça les autres retranchements à quatre cents pas en arrière (600 mètres), distance très approximative comme nous l'avons vu ». J. Le Gall, Alésia - Archéologie et Histoire, Fayard, 1963, p. 88
5) M. Reddé a réfuté cette interprétation : « Il est en revanche absolument impossible de réduire l'écart entre le texte Césarien, qui décrit ce fossé de 20 pieds et la réalité du terrain. Non seulement ce fossé n'est pas à 120 m (400 pieds) de la contrevallation, mais il n'est même pas à 600 m (400 pas) et il n'a de toute façon pas 20 pieds de large. Il est donc parfaitement inutile de vouloir corriger la mesure que donnent tous les manuscrits (pedes) , comme on l'a fait trop souvent et de manière arbitraire ». M. Reddé, Le siège d'Alésia : récit littéraire et réalité du terrain, in : M. Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii,, Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont Auxois (1991-1997), Mémoire de l'académie des inscriptions, vol. 1, Paris, 2001, p. 503.
6) « Au sud, il traverse une zone de bocage à prairies humide : d'où le peu d'indices relevés malgré une prospection aérienne attentive. Le seul plausible date de 1988 : une large bande plus foncée qui traverse un pré au carrefour des trois croix et se prolonge dans les céréales voisines ». R. Goguey, L'archéologie aérienne sur le site d'Alésia, méthodologie et résultats, in : M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii,, ibid., p. 42.
7) S. Bender, C. Wenzel, Le fossé de 20 pieds, in : M. Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii, ibid., p. 388-390.
8) La distance donnée par César mettait logiquement le fossé à portée des engins de traits romains, ce qui n'est pas le cas ici. « On doit se demander pourquoi César a fait creuser cet obstacle exceptionnel si loin en avant de la ligne qu'il devait protéger et ne l'a pas fait défendre ». J. Le Gall, op. cit., p. 65.
9) R. Goguey, Un cas d'école pour la photographie aérienne, in : Alésia - Comment un oppidum gaulois est entré dans l'histoire, dossier d'archéologie, n°305, Dijon, 2005, p. 46-55.
10) En 2001, à la sortie de l'important mémoire consacré aux fouilles.
11) R. Goguey, op. cit., p. 40-41. Et J.-L. Voisin, Alésia – Un village, une bataille, un site, 2012, p. 135-137.
12) Toutefois, il faut signaler qu’en archéologie aérienne rien n’est acquis, et suivant les cultures ou les types de sols, il a souvent été long et compliqué de déceler des traces probantes de structures en sous-sol. R. Goguey, ibid., p. 33-53.
13) « Les traces de fossés sont ici nombreuses, visibles sous forme de longues bandes continues qui peuvent atteindre 500 m. Celles qui correspondent aux plans de Napoléon III peuvent être aisément identifiées ». R. Goguey, ibid., p. 42
14) J. Bénard, V. Brouquier-Reddé, Histoire d'une recherche, annexe 1, in : M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii, op. cit., p 23.
15) « Sous la couche d'humus, épaisse de 0,35 m. le fossé s'ouvrait sur une largeur de 3,1 m. une profondeur de 0,95 m. avec un fond de 1,6 m. soit des parois qui suivaient une pente de 55° ». S. Bender, C. Wenzel, op. cit., p 390.
16) Il est alors étonnant de lire sous la plume de S. von Schnurbein : « Les travaux de cette dernière décennie confirment parfaitement le tracé général des deux lignes de contrevallation et de circonvallation, ainsi que celui du fossé de vingt pieds, tels que nous les connaissons par les plans du 19eme siècle. » S. von Schnurbein, Les fossés et les pièges, in : M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii, op. cit., 539-550, p 539.
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