Dans le courant de l'année 2015, ont été portées à notre connaissance deux publications rédigées par des spécialistes en numismatique dont les travaux ont déjà été discutés ici.
Dans notre étude sur les copies de monnaies en bronze – autrement dit : des pièces en laiton (ou orichalque) - nous avons émis de sérieuses réserves sur l'hypothèse de monnaies obsidionales au nom de Vercingétorix – soit-disant - émises et retrouvées sur le site d'Alise-Ste-Reine. Il faut rappeler que cette hypothèse semble faire consensus au sein de la communauté archéologique, ce qui induirait de façon quasi certaine la présence de Vercingétorix sur l'oppidum du Mont-Auxois au moment du siège qui s'y est déroulé.
Or voilà que de nouvelles découvertes de monnaies en orichalque hors du site d'Alise-Sainte-Reine remettent sérieusement en cause cet indice si souvent mis en avant.
Le premier article qui nous est parvenu est celui de Sylvia Nieto-Pelletier, paru en 2012 dans une revue numismatique, celui-ci fait état de la découverte par M. Feugère et M. Py d'un nouvel exemplaire en orichalque au nom de Vercingétorix. Celui-ci n'a pas été retrouvé à Alise ou dans ses environs mais dans le sud de la France, cette découverte, à elle-seule, remet évidemment en cause l'hypothèse de monnaies obsidionales.
Sylvia Nieto-Pelletier ne peut que constater ce fait, sans pour autant vouloir abandonner totalement son hypothèse de fabrication des monnaies au nom de Vercingétorix sur l'oppidum :
Sylvia Nieto-Pelletier, Une nouvelle monnaie en laiton au nom de Vercingétorix, in : Bulletin de la société française de numismatique, n°2, février 2012.
Le deuxième article, paru en 2014, provient de l'éminent numismate Louis-Pol Delestrée, son étude vient actualiser nos connaissances sur les statères au nom de Vercingétorix, aucune synthèse n'ayant été conduite sur ce sujet depuis longtemps. Quelles sont ses constatations ?
En 2004 il n'existe encore que deux statères en laiton connus, ces deux exemplaires proviennent du MAN et ont été retrouvés au XIXeme siècle sur le site d'Alise.
Louis-Pol Delestrée signale qu'à présent l'effectif total des statères au nom de Vercingétorix s'élève à 27 exemplaires en or et 3 exemplaires en laiton (NB : pour une réflexion plus complète, on peut y ajouter les exemplaires de type CAS dont l'émission relève des mêmes principes).
Louis-Pol Delestrée confirme qu'en terme de datation, les monnaies en or au nom de Vercingétorix sont bien émises au début de l'année 52 av. J.-C. : « A notre sens, cette série est susceptible d'être plus précisément datée en fonction des faits historiques eux-mêmes » , par contre en ce qui concerne les monnaies obsidionales, l'hypothèse est rapidement évacuée : « Colbert eut à notre sens le tort de s'arrêter à cette hypothèse qu'aucun auteur ne remit sérieusement en question par la suite ».
Concernant l'évolution des monnaies, et notamment le passage de l'or au laiton, Louis-Pol Delestrée prend l'exemple de la Gaule Belgique où toutes les séries émises avant ou pendant la Guerre des Gaules se sont achevées par des exemplaires en bronze ou laiton, exacts reflets des monnaies d'or auxquels ils se rapportaient : « L'étonnement de Colbert devant les statères en laiton d'Alésia aurait été moindre s'il avait eu connaissance de tels constats assez récents ». Il faut noter qu'entre 58 et 52 av. J.-C., chez les Arvernes tout comme chez les belges, les émissions en or ne faiblissent pas et sont encore de très bon aloi, cette donnée n'est évidemment pas sans conséquence sur la situation constatée à Alise-Ste-Reine.
Pour ce qui concerne les exemplaires en laiton retrouvés sur le site d'Alise, Louis-Pol Delestrée rappelle qu'il ont été retrouvés au XIXème en plaine de Grésigny sur les bords du système défensif extérieur, aucun rapport à priori avec les assiégés : « En d'autres termes, aucun orichalque ne provient de l'oppidum du Mont-Auxois ou de ses abords, ce qui est fâcheux pour des monnaies réputées obsidionales ».
Ce jugement peut paraître un peu sévère si l'on considère le flou qui entoure le lieu exact des trouvailles du XIXème siècle, néanmoins il a le mérite de remettre ces découvertes à leur vraie place.
Il exclut aussi une frappe au sein de l'armée de secours qui ne resta sur le théâtre des opérations que quelques jours, conclusion celle-ci aurait donc amené ces exemplaires avec elle.
Pour Louis-Pol Delestrée, c'est bien parce que l'or monnayable est épuisé que les Arvernes doivent se résoudre à émettre des monnaies en orichalque à la fin de l'indépendance gauloise : « Les fins d'émissions en laiton témoignent d'un processus identique à celui constaté en Gaule Belgique ». Or paradoxe, au moment de la frappe des séries CAS et Vercingétorix, il signale que le titre d'or fin moyen s’élève encore à 51 et 52 %, soit des émissions d'encore assez bon aloi. Comment considérer, dans ces conditions, que l'or Arverne est épuisé au moment de la frappe, en 52 av. J.-C. ?
Louis-Pol Delestrée ne peut remettre en cause la localisation d'Alésia et évidemment imaginer d'autre hypothèse qu'une émission en 52 av. J.-C., mais si on veut bien se reporter à l'évolution des monnaies belges, il est très possible que les orichalques au nom de Vercingétorix aient suivi une évolution similaire.
En effet, après la défaite de 52 av. J.-C. , dans les années qui précédèrent la période augustéenne, les Arvernes dont les ressources en or finirent par s'épuiser ont pu émettre de manière relativement discrète une « suite et fin » de séries en or qui brillèrent pour eux d'un éclat tout particulier.
Louis-Pol Delestrée, Les statères de Vercingétorix : nouveaux apports, essai de synthèse, in : Cahiers numismatiques, n°200, juin 2014, p. 23-35.
NB : Il faut noter qu'au moment même où ces synthèses étaient rédigées, un nouvel exemplaire en laiton de type CAS provenant de la Somme arrivait sur le marché. La découverte d'un nouveau statère en orichalque dans un secteur géographique très éloigné des précédentes trouvailles devrait entrainer les numismates à de nouvelles réflexions sur le sujet. En effet, l'accélération des échanges et les mouvements de nombreuses troupes auxiliaires après la conquête expliqueraient cette relative dispersion des monnaies en orichalque, ce qui n'est pas le cas en 52 av. J.-C..